Fort de plus de 20 années passées à sillonner le rap français, Prince Fellaga est revenu le 11 novembre dernier avec un EP de 9 titres entièrement produit par Kheyzine. Pour l’occasion, il s’est permis d’inviter Big Twin des Infamous Mobb et Ill des X-Men.
Dans l’oeil du cyclone rap
Né à Agen, il grandit en voyant l’avènement de groupes mythiques du rap français. En tant que jeune sudiste, IAM devient logiquement sa première grande référence. Il tombe ensuite sur la musique de NTM avant de découvrir La Fonky Family et les autres pionniers du premier âge d’or du rap en France. L’envie de se mesurer à ses exemples arrive à la fin des années 90, lorsqu’il intègre le groupe 5ème Kolonne. Entre 2001 et 2004, ils sortiront deux albums à peine distribués. Encore nommé Negaafellaga à l’époque, il se rapproche du rap américain qui l’inspire grandement. Il noue très tôt de nombreuses connexions sur la côte Est, proche de Brooklyn pour recevoir des productions made in USA.
Le talent dans l’ombre
Proposant une musique peu exposée au grand public et rencontrant davantage un succès d’estime, il restera dans l’ombre des quelques grands noms des années 2000. Il se fera remarquer en croisant le fer avec Le Rat Luciano, Sat l’artificier ou Cassidy notamment et ajoutera son noms sur un grand nombre de mixtapes et compilations. Aujourd’hui il est cité comme un "roi sans couronne", l’exemple typique d’un rappeur qui a marqué les esprits d’érudits du hip-hop sans réellement vivre de ses disques. Faute d’un marché en pleine transition vers le numérique, sa musique subira le triste sort du téléchargement illégal. Au cours des années 2010, le Prince a poursuivi son parcours en tant qu’éducateur dans un foyer, accompagnant les plus jeunes. Cette période lui a permis de délivrer quelques projets plus espacés dans le temps. Il revient aujourd’hui avec un EP nommé "Pratique des Arts Profanes".
En accord avec son temps
En 9 titres, le vétéran nous montre encore à quel point il est pertinent. Un retour propice à la forme actuelle du game où le rap de ses débuts semble retrouver de l’importance. Le projet est parfaitement introduit par une partition orchestrale mêlée à un design sonore installant une ambiance cinématographique. Les productions de Kheyzine nous font voyager dans les quartiers new yorkais, on passe du jazz d’Harlem sur "Villepinte" au boom bap rap très sombre de Brooklyn sur "Anonyme". Ce dernier est imprégné du New York version 90’s avec, comme symbole, un sample du cultissime "C.R.E.A.M" du Wu-Tang. Le projet est rempli d’éléments subtiles, appuyants le propos toujours aussi actuel du rappeur. On relèvera l’incorporation d’un discours séparatiste de Zemmour sur le morceau "Villepinte" ou encore le clin d’oeil à Benjamin Epps, désigné par beaucoup comme porte-étendard d’une école de rap trouvant un second souffle.
On vous recommande l’excellent cinquième track "Rohff, Booba, La Fouine" où le Prince dépeint l’ère d’un hip-hop amorphe, qui souffrait du poids de ce trio fulgurant dans les charts. L’agenais évoque les difficultés rencontrées pour percer avant l’arrivée du streaming et cite nombre de ses pairs avec lesquels il partage ce parcours tronqué.
Andréas D